Qu'est-ce qui a donc piqué le Gouvernement, pour penser que les Congolais vont avaler sa farce de punir les fonctionnaires qui fuient le travail, en citant leurs noms en conseil des ministres?
Alors qu'on attend de lui de lutter contre la corruption dans les hautes sphères de l'État, il veut nous convaincre avec la lutte contre l'absentéisme au travail. Quel enfantillage!
En août 2009, le Président Sassou inaugurait son second septennat à la tête du pays, par la lutte contre la corruption dans les hautes sphères de l'État, en ces termes: «Je ne surprends personne en affirmant qu'en dépit de nos efforts multiformes, notre pays n'est pas encore, hélas, exempt de corruption, de concussion, de fraude, de détournement de deniers publics et d'autres actes tout autant répréhensibles que néfastes à l'accomplissement du bonheur collectif.
Ici, ce sont les gouvernants qui sont interpellés. Qu'il soit clair pour tous que le peuple ne veut pas et ne doit pas être conduit sur le «Chemin d'avenir» par des dirigeants sans scrupule ni vertu. De même que le peuple ne veut plus et ne doit plus être mené par des hommes qui ne donnent pas le meilleur d'eux-mêmes pour le servir.
Parmi les premières attentes de notre peuple, il y a l'espoir que s'arrête rapidement la dérive morale qui est en train de gangrener notre société. Je veillerai donc avec davantage de rigueur à ce que les personnes que je nomme aux différentes fonctions d'État soient exemplaires et de bonne éthique, capables de faire respecter, au nom de l'autorité impartiale de l'État qu'elles incarnent, les lois et les règlements de notre pays. Tout manquement, toute faiblesse m'amènera à en tirer les conséquences. Telles sont aussi les exigences du «Chemin d'avenir».
Malheureusement, le Président n'a pas rigoureusement veillé sur les personnes qu'il a nommées dans les hautes sphères de l'État. Entre 2009 et 2016, certaines de ces personnalités se sont enrichies par la pratique de surfacturation et de double facturation des marchés publics. D'autres ont carrément fait main basse sur les budgets des structures qui étaient sous leur tutelle. D'autres encore ont eu des marchés publics et n'ont jamais réalisé les travaux pourtant payés.
Jamais leurs noms n'ont été cités en conseil des ministres. C'est seulement dans les pays étrangers où elles ont acquis des patrimoines immobiliers impressionnants et où ils ont planqué l'argent dilapidé au Congo que leurs noms apparaissent.
Conséquence: le Gouvernement n'a jamais réussi à donner un contenu convainquant à la lutte contre corruption dans les hautes sphères de l'État. Pourtant, des enquêtes ont été lancées. Mais, les Congolais ont le sentiment que les grands délinquants à col blanc qui siphonnent les finances publiques jouissent, de par leurs positions, d'immunité de fait qui les rendent intouchables et les encouragent dans des comportements répréhensibles.
A la place, le Gouvernement veut faire croire aux Congolais aujourd'hui que ce sont les fonctionnaires qui désertent leurs postes de travail qui constituent une grande menace à la relance économique du pays. Lutter contre l'absentéisme au travail est tout à fait normal. Le Ministre Jean-Jacques Bouya peut même partager son expérience de jetons de présence à ses collègues, pour lutter efficacement contre l'absentéisme au travail.
A l'heure de l'informatique et de la biométrie, la question ne se pose même plus. Il suffit d'investir pour installer ce mécanisme dans chaque département ministériel.
Mais, avec la crise économique qui sévit dans le pays, en faire une affaire traitée en conseil des ministres étonne. Il est vrai que le ridicule ne tue pas. Autrement, le Gouvernement aurait mieux fait de dire au peuple ce qu'il envisage pour mettre un terme aux grèves qui paralysent l'Université Marien Ngouabi, le CNTS (Centre national de transfusion sanguine), etc, afin de soulager les Congolais, au lieu de les passer sous silence.
On ne le dira jamais assez qu'un Gouvernement, c'est fait pour régler les problèmes du peuple. Mais, lorsque le peuple commence à s'interroger sur l'efficacité de l'action de son Gouvernement, on finit par comprendre que le problème, c'est le Gouvernement. Car, c'est dans les hautes sphères de l'État qu'il faut arrêter la dérive morale qui empoisonne la société congolaise. Remettre les fonctionnaires au travail ne demande pas grand chose, dès lors que les conditions sont créées. La crise économique dont le pays a du mal à se relever est de beaucoup dans ce phénomène d'absentéisme au travail. Tout le monde le sait.